Quelques astuces de qualité pour tirer considérablement vers le haut nos relations avec autrui.
J’ai senti cette semaine en France (et dans certains pays francophones) une sensation palpable de frustration face à l’absence d’une nouvelle newsletter sur mon Substack. Rassurez-vous, je vous envoie ici - et toujours gratuitement - le résumé d’une semaine folle, dont j’ai tenté de contourner les aléas et les difficultés.
Lundi matin, j’ai reçu un courrier de l’IRCEC - un organisme de retraite qui fait tout son possible pour s’occuper des artistes et des auteurs alors qu’ils n’en ont aucune envie - m’invitant à payer la somme de 3033 Euros. J’ai répondu par email, que je ne contestais évidemment pas le fait de payer, mais plutôt le processus qui nous y avait mené. J’ai expliqué calmement que j’avais reçu l’année dernière, des courriers similaires pour des sommes totalement différentes, une saisie avait apparemment été effectuée sans que ni mon comptable ni moi-même n’en ayons été informés, puis un autre d’une somme encore plus éloignée - 8000 euros - et l’année précédente, un autre pour un montant encore plus délirant. J’ai donc demandé comment ces résultats étaient calculés et surtout, à quoi ils correspondaient, n’ayant absolument aucun souvenir (mais ayant été diagnostiquée avec un trouble de la personnalité borderline il était fort possible que ma mémoire me joue des tours, précisais-je avec un smiley) d’avoir souscrit à cet organisme. Et je terminais ainsi mon message : « Depuis que je suis supposée avoir souscrit à cet organisme privé, je n’ai reçu ni contrat, ni preuves d’engagement, ni explications sur ce que ces sommes sont supposées accréditer à mon statut d’auteur. » (Je ne comprends pas non plus, ce que cette phrase signifie).
Je reçus dès le lendemain, une réponse qui commençait par ces mots : « Je fais suite à votre email dans lequel vous prétendez n’avoir jamais souscris à cet organisme ». On tenait à me préciser que le fait d’y être affiliée n’était pas la résultante d’un choix, mais constituait une obligation légale et réglementaire. Or, j’étais affiliée à l’IRCEC en qualité de réalisatrice. Après étude de mon dossier, ils finissaient par m’informer que j’avais déjà été en contact avec L’IRCEC en septembre 2021, suite à la réception d’un courrier de relance.
J’ai répondu que rien ne me prouvait qu’il ne s’agissait pas là d’une arnaque. Je demandais également des précisions sur ma qualité de réalisatrice : qu’avais-je selon eux réalisé ? Pouvaient-ils me fournir des exemples concrets, avais-je reçu des prix, ou au moins été nominée et si oui, dans quelle catégorie ? Était-ce dans le cadre de mon statut de réalisatrice que j’avais été en lien avec l’organisme, quelle avait été la teneur de cette rencontre, de quoi avions-nous parlé, nous étions-nous rencontrés physiquement, ou est-ce qu’il s’agissait du même type de relation que celle que nous avions ici : épistolaire et confuse ?
Je n’exigeais pas ces informations pour leur causer du tort, je savais combien ils étaient sollicités en cette période de clôture d’exercice comptable, mais afin de m’assurer qu’ils n’étaient pas eux-mêmes, un organisme en préfabriqué conçu pour m’extirper une somme que ni eux ni moi ne possédaient, j’avais besoin d’éclaircir un minimum la situation, je supposais qu’ils comprendraient.
Cessons ce manège, ai-je enfin conclu. Tentons de vivre dans un autre monde où nous pourrions nous détourner ensemble de nos itinéraires officiels. Parlons une langue qui ne soit pas le plus petit dénominateur commun de la somme monstrueuse faisant mine de nous lier, tentons de ne plus communiquer qu’avec des résidus de sous-entendus minables. Voyons-nous, et parlons.
De plus, vendredi dernier, l’occasion m’a une nouvelle fois était donnée d’illustrer ma capacité à rendre mes relations avec autrui meilleure, et je tenais à vous partager comme on dit, mes conseils pour égayer les liens. J’avais loué la semaine précédente ma maison sur Airbnb. Dès son arrivée, mon hôte Juliette m’avait envoyé un message disant qu’elle était ravie, que la maison était magnifique. Mais deux ou trois heures plus tard, dans un second message, elle se plaignait de la propreté générale des lieux, de la présence d’une toile d’araignée et surtout, de l’absence de micro-onde qui était pourtant indiquée dans la liste des équipements de mon annonce. Elle concluait en exigeant une « intervention rapide ». Comme je n’étais pas sur place, j’ai d’abord répondu que le four était neuf, et qu’il y avait une option micro-onde qu’elle pourrait sans doute trouver si elle y mettait un peu du sien. Quant aux toiles d’araignées, je lui avais écrit au préalable pour lui dire que la maison aurait été fermée plusieurs jours, il était donc possible que ce genre de phénomène se produise. Le four est sale ! Répondit-elle quelques minutes plus tard. Il n’a visiblement pas été nettoyé, la maison est très jolie mais question entretien et hygiène nous nous attendions à une prestation à la hauteur du prix. Côté jardin, même déception, c’est dommage qu’il ne soit pas entretenu, on ne peut pas vraiment en profiter. Bien à vous.
Propreté et hygiène à la hauteur du prix ? M’esclaffais-je. Et vous ne pouvez vraiment pas profiter du jardin ? Ça vous semble totalement impraticable ?
Sans nouvelle de sa part, j’ai donc commencé à imaginer des réponses de plus en plus indignées depuis chez moi, depuis mon bain, depuis mon lit, depuis mon existence en général. Les personnalités borderline ont tendance à vivre leur attachement aux autres de façon chaotique et désorganisée, passant de la tendresse à la colère en un claquement de doigts. Après être redescendue, et ce qu’on pourrait appeler une mure réflexion, j’ai donc renvoyé un message sur un autre ton : j’étais profondément navrée, j’expliquais que je mettais tout le soin possible dans cette maison, la mienne, précisant que je l’avais aménagée seule : dans une grande solitude précisais-je. Quelques semaines auparavant, une autre famille m’avait reprochée qu’une plante entrait par la fenêtre de la chambre, maintenant il s’agissait du four et le jardin était mal entretenu ? Ces choses étaient-elles profondément insurmontables sans l’intervention d’une équipe de déminage de toile d’araignées ? Toujours sans réponse de sa part, et de plus en plus inquiète à l’idée que nos liens se dissolvent, je renvoyais simplement : « On n’est pas dans un Pierre et Vacances ! J’ai vraiment l’impression d’avoir affaire à des enfants. C’est la dernière fois que je loue ma maison, en espérant que vous ne serez pas trop déçus par la suite de votre laborieux séjour. »
À la fin dudit séjour, Juliette m’envoya dignement un unique un message demandant à qui elle devait remettre les clés. Mais deux jours plus tard, je reçu un email d’Airbnb m’informant qu’elle m’avait laissé un commentaire. Je ne pourrais le voir qu’à condition d’en laisser un moi aussi. J’ai décidé de participer à ce jeu pervers et j’ai mis deux étoiles, pour voir… Son message s’est ouvert telle la boite de Pandore : la maison était sale, pas à la hauteur, l’absence de micro-onde revenait à plusieurs reprises, il n’y avait pas de placards pour ranger les vêtements, une litière avait même été laissée juste à côté du frigidaire ce qui s’avérait très peu hygiénique, voire dangereux pour la santé de tous. J’ai répondu que cette histoire de litière était incompréhensible, car je n’avais pas de chat, en tout cas pas à ma connaissance. De plus, ma voisine venait de m’apprendre qu’elle avait cassé un cadre ! Juliette a réagi aussitôt : s’il y a une chose que je ne supporte pas, c’est le mensonge s’insurgea-telle ! Je vous ai laissé dix euros dans ce cadre qui était par ailleurs accroché avec un simple clou ! Il est tombé au moment où ma fille ouvrait la porte de la chambre, elle aurait pu se faire très mal ! Je me suis d’ailleurs moi-même blessé à la main ! Bien à vous.
Vous vous êtes fait mal ? J’en suis désolée. Pouvez-vous me décrire ce qu’il s’est passé exactement ? Où avez-vous mal, et vous sentez vous mieux ? Par ailleurs, ci-joint les photos d’une assiette qui a également été brisée. Bien à vous.
Cette assiette ne me dit rien. Et je le répète, la maison était bien plus propre à notre départ qu’à notre arrivée ! Nous avons mis des gants pour tout nettoyer.
Écoutez Juliette, c’est en effet moi qui ai cassé l’assiette, je viens de m’en souvenir. Mais c’était il y a longtemps, et j’ai des problèmes de mémoire. Pareil pour le chat, il est fort possible que j’en ai un… Mais cette sombre histoire nous tire toutes les deux vers le bas, laissez-moi vous envoyer une boite de chocolats pour me faire pardonner. Envoyez-moi votre adresse, il s’agit d’une excellente chocolaterie.
Merci pour ce geste, mais ce n’est pas la peine, bonne continuation.
Écoutez Juliette, c’est seulement la troisième fois que je loue cette maison. Je ne pouvais concrètement rien faire pour les toiles d’araignées depuis l’endroit où je me trouvais. Le commentaire que vous m’avez laissé met la location de ma maison en péril. Si vous avez le mensonge en horreur, j’ai le même sentiment pour la délation et les règlements de comptes publics. Je n’aurais pas dû être si agressive mais j’ai perdu pied face à vos exigences et vos mots. Enfin, ces échanges aussi pénibles qu’inutiles à l’échelle de nos vies, auraient pu être évités. Je trouve ces évaluations mutuelles profondément perfides, avons-nous besoin d’être jugées davantage entre femmes ? La société ne s’en charge-t-elle pas déjà assez comme ça ?
Bien sur tous ces échanges sont véridiques. Ils ont été rédigés à l’aide d’un ordinateur, car je n’ai plus de téléphone portable. Pourquoi ? Parce que j’ai récemment trouvé chez mon neveu de cinq ans, un téléphone rose en forme de carotte, avec deux fanes en plastique orange et une dizaine de boutons ronds. Il s’est mis à sonner alors que je m’asseyais par inadvertance sur lui, je l’ai donc immédiatement saisi pour décrocher. C’était mon patron. J’ai commencé à discuter avec lui des dossiers en cours, et fait mine d’être sur le coup alors que je me réveillais à peine. J’ai expliqué calmement que je venais de terminer le matin même ce qu’il m’avait demandé, qu’il ne me restait plus que la conclusion à rédiger. Mon neveu et sa sœur ont commencé à s’exciter, ils voulaient lui parler, alors j’ai mis mon index sur ma bouche puis ai collé ma main sur le bas du téléphone en chuchotant vers eux : c’est mon patron, il pense que je suis au bureau, laissez-moi discuter tranquillement. Tout va bien j’ai dit, je vous envoie ça ce soir sans faute, merci d’avoir appelé, à très vite. J’ai raccroché agacée, et j’ai prévenu les enfants : s’il rappelle, s’il vous plait, essayez de ne pas crier autour de moi, je risque de me faire virer. J’ai remis nerveusement le téléphone dans mon sac.
Plus tard dans la journée, j’étais dans le métro et il s’est mis à biper, à émettre des bruits stridents et des sons en anglais. « Bye Bye ! », « Hi ! This is Jerry ! How are you ? » Alors que je patientais devant les portes de la rame pour sortir à la station suivante, j’ai senti un homme m’observer tandis que je tentais de calmer la carotte qui s’emballait de plus belle. Je ne sais pas comment on arrête ce téléphone, j’ai bredouillé. Puis j’ai fini par décrocher : J’arrive ! J’ai dit, l’air exaspéré. Je serai à la maison dans dix minutes. Puis j’ai raccroché calmement en me tournant vers l’homme : c’est épuisant ces téléphones.
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🌚😂🌚
Merci pour ce moment! <3