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Notre jeunesse
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Notre jeunesse

J’ai reçu de très beaux messages après ma dernière News letter dans laquelle je vous suggérais de m’écrire en cas de besoin de diagnostic, et je peine à n’en sélectionner qu’un seul. Un certain nombre de problèmes tourne autour de la question de la transparence en amour. J’ai donc procédé à un calcul périlleux mais fiable : j’ai mixé l’ensemble des messages avant d’additionner le sens profond contenu dans chacun, puis j’ai divisé le résultat obtenu par le nombre de questions. J’en ai déduit un dénominateur commun qui se résume dans cette problématique : peut-on tout dire à l’homme ou la femme qui partage notre vie, et si oui pourquoi ?

L’avantage de transparence est qu’elle peut prendre, comme le liquide, toutes les formes possibles. Peut-être qu’il ne s’agit pas de se demander si on peut tout dire à l’autre sans se sentir coupable, ou honteux, mais plutôt de quelle manière on peut emporter l’autre dans nos aveux afin de les rendre mobiles. Pour que le désir de transparence ne soit plus perçu comme un obstacle à l’amour, mais comme l’occasion de faire un voyage dans le vaisseau surprenant du lien.

Il y a vingt ans, je suis tombée amoureuse d’un jeune chanteur, Mathieu Boogaerts, après l’avoir vu jouer par le plus grand des hasards, à un concert à Rennes. De retour chez moi, j’ai particulièrement bouclé sur un morceau, « Bel et bien là » et un peu plus tard, sur autre « Le ciment ». Ces deux chansons m’ont accompagnées tout au long de ma vie à intervalles plus ou moins réguliers, la première, parce qu’elle faisait résonner en moi un être qui était tout sauf « Bel et bien là », mais qui me donnait pendant presque deux minutes - ses chansons sont toutes très courtes, ce qui me les a toujours rendues impossibles à n’écouter qu’une seule fois – un sentiment palpable de présence. La seconde, Le ciment, me nouait systématiquement la gorge, parce qu’elle m’expliquait comment fabriquer une histoire d’amour avec du bon matériel. J’ai donc construit, comme n’importe quelle borderline, une vie de couple classique avec Mathieu Boogaerts. Il chantait pour moi, je l’écoutais, je l’oubliais, mais dès qu’il revenait c’était comme si nous nous étions quittés la veille, etc etc.

Or, Mathieu Boogaerts vient de sortir un nouvel album et l’une de ses chanson « Ma jeunesse » m’a immédiatement faite retombée en amour. Dans cette chanson, il se demande ce qu’il peut faire de sa jeunesse, et c’est une excellente question. J’ignore s’il parle de sa jeunesse passée, présente ou à venir, mais justement, grâce à lui, j’ai immédiatement effacé la question de l’âge, pour me réapproprier l’idée de jeunesse avec une facilité déconcertante. Il y a toujours, à l’intérieur de ses morceaux, une seconde précise, comme un cadeau, une surprise, qui me brise le cœur de joie, et me donne le sentiment que ça va aller. J’étais donc, à ce stade de ma réflexion, à nouveau en couple avec lui.

Quelques heures plus tard, une amie qui travaille avec lui, a remarqué le renouveau de mon engouement sur les réseaux sociaux. Elle m’a donc gentiment écrit pour me proposer de m’envoyer son vinyle. Est-ce que tu as une platine ? A-t-elle demandé. Non, je n’en avais pas, mais j’ai profité de notre échange pour lui indiquer que j’étais amoureuse de lui depuis plus de vingt ans, nous allions d’ailleurs bientôt fêter lui et moi l’anniversaire de notre rencontre, elle pouvait faire passer le message en toute transparence.

En réécoutant « Ma jeunesse » pour la soixantième fois, je me suis replongée dans mon histoire d’amour passée, et à la fin de cette éprouvante journée, je n’ai pu faire autrement que d’évoquer cette longue idylle à mon époux, jusqu’à mon récent échange avec sa collaboratrice qui rendait ma relation à venir avec le chanteur, lui annonçais-je avec tact, de plus en plus concrète.

Et puis, il y avait autre chose… Je ne savais pas comment le lui dire, mais il fallait que je sois totalement honnête : je commençais à connaitre Ma jeunesse par cœur, et si ma relation avec Mathieu Boogaerts devenait plus sérieuse, il était fort possible qu’il me demande de faire les chœurs sur cette chanson, probablement même, à court ou moyen terme, qu’il me propose de l’accompagner en tournée, avant de terminer par « faire l’Olympia » avec lui.

« Tu ne sais pas chanter » m’a-t-on répondu, de toute évidence inquiet par ma nouvelle vie à venir. Il ignorait que je m’étais entrainée toute la semaine précédente, que je connaissais non seulement les paroles de Ma jeunesse, mais que je m’étais considérablement améliorée. « Montre-moi » a-t-il suggéré, tentant déjà de compenser mon détachement par la volonté de contrôler ma carrière.

J’ai lancé le morceau et j’ai commencé à chanter, mais je fus immédiatement interrompue : « Non, il faut que tu te mettes dans les conditions du direct et du live. Vraiment comme si tu étais à l’Olympia ».

Ci-joint un enregistrement que j’ai effectué discrètement non pas de ma prestation, mais de ma discussion post-aveux, dans lequel mon époux me met au défi d’aller au bout de mon rêve.

Je serai au Consulat Voltaire le 24 janvier. J’ignore si Mathieu Boogaerts viendra chanter, avec ou sans moi, avant ou après ma propre performance.

Je vous tiendrai informés, mais je voulais néanmoins tenter de vous démontrer que la transparence en amour était toujours possible. Qu’elle pouvait même mener à des chemins ramifiés de nos vies passées et à venir qu’on ne s’attendait pas à prendre, et nous permettre d’ouvrir le champ, de voyager à l’intérieur même d’un amour et non pas en dehors.

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