Mi fugue, Mi raison
On veut du sexe et des sentiments ! Ces mots au vitriol ont été prononcés par mon amie influenceuse et féministe et depuis, ils ne cessent de résonner dans mon Esprit Épris De Liberté (EEDL).
Elle parlait de ce qui se passait sur Substack et, immédiatement après son annonce, je suis sortie dans la rue pour trouver un peu d’inspiration : je me suis rendue chez Boulanger pour m’acheter un batteur en promo - l’appareil de petit électroménager, pas le musicien - et, alors que je faisais la queue pour accéder à la caisse, j’ai aperçu un jeune homme de très belle facture (lui, pas celle du petit électro).
On s’est regardés un moment lui et moi (du moins, je suis persuadée qu’il me regardait aussi, mais on m’a récemment diagnostiqué un trouble de la personnalité borderline, mes interprétations ne sont donc pas fiables). Au moment où la femme qui nous séparait lui et moi s’est avancée pour payer, j’ai pu constater les souliers de l’homme en question. De tout petits souliers bleu marine, appelons-les des « baskets chic » qui, à mon humble avis, avaient été décrites par l’homme au vendeur en ces termes : Bonjour, je cherche des baskets que je pourrais aussi mettre en ville ou pour aller à un rendez-vous professionnel, par exemple.
D’accord, je vais vous trouver ça, répondit le vendeur.
Des baskets mi-figue mi-raisin, des chaussures du consensus.
Il m’est devenu impossible à cet instant, de continuer de l’aimer dans ces conditions. J’ai tenté de négocier intérieurement avec moi-même : est-ce que je ne pouvais pas faire un effort, lui parler, peut-être pas tout de suite, mais au bout de quelque temps d’une relation où la confiance se serait installée entre nous et lui dire, sous la forme de communication non violente, non pas qu’il fallait qu’il change de chaussures, mais que je souffrais du fait qu’il les porte (toujours dire "je" en communication non violente) et que nous pourrions considérer une nouvelle paire que je pourrais, par exemple, lui offrir pour son anniversaire ( j’aurais sans doute proposé noël + anniversaire, s’il est de début janvier). S’il m’aimait vraiment, il comprendrait. Mais non, passer ne serait-ce que deux mois avec un homme marchant dans ces souliers m’était insoutenable.
Je l’ai regardé, l’air désolé ; j’ai ressenti chez lui un peu de tristesse, peut-être due au fait qu’il était lui-même en train de négocier depuis sans doute un bon moment un échange d’imprimante avec un conseiller immense, bien plus grand que lui, et qu’en plus de se sentir petit, humilié, à bout de souffle et d’arguments, il venait de se faire larguer par une femme s’apprêtant à battre des œufs en neige nue sous son tablier, et prête à disserter sur le sexe et l’amour.
Ce n’est pas moi qui passe à côté de ma vie, c’est vous.
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